Academia.eduAcademia.edu
142 la Grotte de traBUC, Mialet, Gard FaNtôMisatioN et Karst PolYPHasé Laurent BRUXELLES A vec plus de 10 km de développement [3], la grotte de Trabuc constitue un témoin essentiel de la mise en place et de l’évolution du karst de la bordure cévenole. Située dans la partie nord du bassin liasique de Mialet, elle s’ouvre à lanc d’un petit vallon, 300 m avant son conluent avec le Gardon de Mialet. > labyrinthe à trame tectonique La topographie fait ressortir l’aspect labyrinthique de ce réseau, constitué pour l’essentiel de grandes galeries interconnectées (ig. 1). Des bandes tectoniques orientées N30° à N60° divisent les lancs du synclinal [2] et ont guidé le développement de vastes conduits rectilignes. D’autres galeries, d’orientation N120° assurent la liaison entre une ou plusieurs bandes (cascade Orengo). > Réseau de contact lithologique en lanc de synclinal La morphologie des galeries est variable en fonction de la roche encaissante (ig. 2, 3). Dans les dolomies hettangiennes, les formes de creusement sont bien conservées. En revanche, dans le Sinémurien calcaire, les galeries présentent un aspect plus rectiligne et une section quadrangulaire. D’une hauteur souvent supérieure à 30 m, elles se sont formées initialement au contact HettangienSinémurien. puis, l’efondrement successif des bancs calcaires, moins massifs que la dolomie, a efacé la plupart des formes de creusement. > absence d’étagement Malgré une dénivellation totale de 211 m, on ne retrouve pas d’étagement de galeries qui aurait accompagné le creusement de la vallée du Gardon. Seulement deux ensembles sont clairement individualisables. Le plus ancien comprend l’essentiel des grandes galeries du Vieux et du Nouveau Trabuc. plus qu’un niveau altitudinal, il se corrèle plutôt au contact entre la dolomie hettangienne et les calcaires sinémuriens. Ainsi, du fait de la structure synclinale, ces galeries se suivent en continuité depuis la cote 300 m NGF sur le lanc est du synclinal (galerie de l’Anniversaire) à 160 m NGF à proximité de l’axe de la cuvette (salle des Vasques, réseau Montbéliard) (ig. 4). > Réseau noyé sous le Gardon Le second ensemble correspond à la partie actuellement active de la grotte située le long de l’axe synclinal. Creusé dans la dolomie et de taille beaucoup plus réduite, il est constitué d’une série de petits tubes étagés, connectés à des diaclases élargies. De nombreux siphons sont en réalités des regards sur des circulations plus profondes. Ainsi, le siphon Golenvaux, qui constitue l’amont de la partie active du réseau, a été plongé jusqu’à la cote 110 m NGF, soit plus de 40 m sous le niveau d’étiage du Gardon. Les débordements sont violents et, à proximité de l’axe du synclinal, les eaux réutilisent temporairement les grandes galeries du niveau supérieur. > Fantômisation initiale Ce karst est manifestement démantelé par l’incision du réseau hydrographique et il convient de s’afranchir du paysage actuel pour en comprendre la mise en place [1]. plusieurs grandes galeries de la grotte se terminent non loin du versant et il est possible de trouver leur prolongement de l’autre coté de la vallée. Les observations dans le bassin de Mialet suggèrent que la mise en place de la grotte de Trabuc et d’une partie des cavités voisines débute par un processus de fantômisation [19]. À partir de l’éocène, le soulèvement du bloc cévenol a permis le développement d’un karst profond le long du contact Hettangien-Sinémurien. Les parties altérées par la fantômisation ont été exploitées et ont largement guidé la structuration du karst. > subsidence puis rajeunissement Lors du rifting oligocène, la tectonique en distension a provoqué l’efondrement du bassin d’Alès tout proche. Le bassin de Mialet semble lui aussi avoir connu une importante subsidence comme en témoignent les remplissages d’argile rougeâtre à galets de chailles. Ces dépôts, exclusivement autochtones, ont colmaté l’ensemble de la cavité sur plus de 200 m de dénivelé (Orengo, Grande stalagmite, Renouveau, Anniversaire), et sur plus de 400 m si l’on prend en compte les autres cavités du massif. Au Miocène, le soulèvement d’ensemble du Massif central a conduit à l’encaissement du réseau hydrographique, dans les Cévennes fraîchement dénudées de leur couverture sédimentaire. Les Gardons, qui traversent la bordure cévenole, ont progressivement entamé les calcaires liasiques et ont réutilisé les anciennes cavités tertiaires. Ainsi, les galeries de Trabuc les plus proches de la vallée ont drainé une partie de ces écoulements allochtones, dont les dépôts, constitués essentiellement de roches du socle, tranchent avec les formations à chailles plus anciennes (salle du Chaos, salle des Vasques, réseau Montbéliard). [1] BRUXELLES L. 1998 - Karsts et paléokarsts du Bassin de Mialet (Bordure cévenole, Gard) : formation et évolution d’un karst démantelé. Karstologia, n° 30, p. 15 -24. [2] COLAS R. & RUHLAND M. 1982 - Tectonic control of the karstic network, in the Trabuc cave. Deuxième Symposium international sur l’utilisation de l’espace karstique, Bari, n° 17 (Actes du symposium d’histoire de la spéléologie). p. 133 -146. [3] SOCIÉTÉ CÉVENOLE DE SPÉLÉOLOGIE ET DE PRÉHISTOIRE (SCSP) 1988 - Mémento spéléologique de la grotte de Trabuc, 96 p. 306 Extrait de : AUDRA Ph. (Dir.) 2010 - Grottes et karsts de France. Karstologia Mémoires, n° 19, 360 p. Association française de karstologie > Débourrage d’un paléokarst Le drainage karstique actuel est organisé en fonction du niveau de base imposé par le Gardon, et l’axe du synclinal fait oice de collecteur des écoulements karstiques. De fait, les anciens conduits proches de ces circulations sont réutilisés et les remplissages sont soutirés. Lorsque l’on s’éloigne de cet axe, on butte plus ou moins rapide- ment sur l’ancien colmatage à galets de chailles (galerie de l’Anniversaire, Le Renouveau). L’évolution actuelle tend donc au démantèlement de ce paléokarst et à la réutilisation ponctuelle des principaux conduits. D’autres vestiges de ce paléokarst, répartis dans l’ensemble du massif, montrent que la grotte de Trabuc n’est en déinitive qu’une partie d’un réseau initialement beaucoup plus vaste. > Figure 1 - Plan de la grotte de Trabuc [3], complété. > Figure 2 - section typique des principales galeries de la grotte de Trabuc. L’effondrement successif des bancs de calcaires sinémuriens a abouti, en plusieurs points de la cavité, à la formation d’une section carrée. Sinémurien calcaire = formes d'effondrement Figure 3 - La galerie de la Grande stalagmite est développée au contact Hettangien-sinémurien. La partie basse, couverte de gypse, est creusée dans la dolomie, alors que la partie supérieure s’est formée par l’effondrement des bancs calcaires. Th. aubé L. Bruxelles Hettangien dolomitique = formes de creusement Figure 4 - Le lac de Montbéliard est au contact entre la dolomie hettangienne et les calcaires sinémuriens, à proximité de l’axe synclinal drainant les écoulements actuels. 307