L'Espace Géographique, n° 1, 1981, 33-47. Doin, 8, place de l'Odéon, Paris-VI*.
Les néo- ruraux
LES PHÉNOMÈNES NÉO-RURAUX
Michel CHEVALIER
Université de Paris IV
ESPACE RURAL FRANCE
NÉO -RURALE (POP.)
POPULATION MARGINALE
RÉNOVATION RURALE
SOCIOLOGIE RURALE
RESUME. — Le mouvement de reflux des villes vers la campagne, qui est l'une des caractéristiques de la civilisation dite « post-industrielle », offre, parmi d'autres, deux aspects principalement représentés dans la France méridionale. Il s'agit, d'une part, des « villages rénovés •», villages plus ou moins entièrement abandonnés et remis en état par des résidents secondaires, des retraités, des « cadres » et assimilés ; l'auteur propose des thèmes de recherche concernant l'évolution et les problèmes de cette nouvelle catégorie d'agglomérations rurales. D'autre part, les immigrés « néoruraux », parmi lesquels on peut distinguer néo-artisans et néo-paysans, représentent un mouvement qui s'est surtout développé après 1968 et a atteint une réelle importance dans certaines régions désertifiées. Sont successivement étudiées l'évolution du mouvement, les différentes catégories de néo-ruraux et les réactions, le plus souvent défavorables, du milieu rural.
FRANCE
MARGINAL POPULATION
NEO-RURAL POPULATION
RURAL RENOVATION
RURAL SOCIOLOGY
RURAL SPACE
ABSTRACT. — Neo-rural phenomena. — The reflux movement to the country away from the towns which is one of the characteristics of the so-called post- industrial civilisation, offers two aspects amongst others which are represented principally in southern France. On one hand, there is the question of renovated villages, villages which were more or less completely abandoned and then restored by secondary residents, retired people, executives and their equivalents; the author suggests research themes concerning the evolution and the problems of this new category of rural agglomeration. On the other hand, the neo-rural immigrants, amongst whom neo-artisans and neo-peasants can be discerned, represent a movement which has developed since 1968 and has reached major importance in certain deserted regions. The evolution of the movement, the different categories of the neo-rurals and the reactions very often unfavourable, of the rural milieu are examined in succession.
Le glissement constant des campagnes vers les villes — c'est, en gros, le trop célèbre exode rural — représente, légitimement d'ailleurs, un des centres d'intérêt essentiels de la géographie française. Déclenché depuis près d'un siècle et demi, il constitue à la fois le facteur principal du gonflement des agglomérations industrielles et urbaines et l'origine, tantôt de la constitution d'exploitations agricoles rentables (par élimination de la masse misérable des « petites gens de la terre ») , tantôt, au contraire, de la perte de vitalité, voire de la désertification de larges secteurs de l'espace rural.
Le mouvement inverse, l'émigration temporaire ou définitive des citadins vers la campagne, est beaucoup plus tardif et se développe sous nos yeux alors que l'exode rural — ou tout au moins l'exode agricole — est loin d'être arrivé à son terme. Il n'a guère, jusqu'à présent, retenu l'attention des géographes que sous l'aspect des résidences secondaires. Il est vrai que ce dernier phénomène, bien qu'il n'ait pris toute son ampleur que depuis un quart de siècle, atteint en France un niveau apparemment inconnu dans le reste de l'Europe : environ deux millions de résidences secondaires, dont les deux-tiers en milieu rural.
Michel CHEVALIER
Université de Paris IV